Question – Quel est l’objectif du TTIP/TAFTA ?
Yves Gernigon : L’objectif est de mettre en place une nouvelle zone de commerce mondiale, car les négociations sont bloquées au niveau de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC).
Donc USA et UE négocient un nouveau traité commercial, le TTIP (zone commerciale atlantique). D’autre part les USA négocient avec 11 pays d’Asie, le TPP (zone commerciale pacifique).
Il s’agit donc de réaliser un gigantesque viaduc commercial entre Asie et Europe – passant par les USA – qui permettrait la libre circulation de toutes sortes de marchandises, des voitures aux aliments en passant par les médicaments.
Quels sont les enjeux du TTIP/TAFTA ?
YG : Les enjeux ne sont pas anodins en termes de volume commercial, de profits, de création d’emplois mais aussi en termes de risques sanitaires, de qualité des produits ou de contrôle des données personnelles (Big Data).
Comment se passent les négociations ?
YG : En Europe, un mandat de négociation a été confié à la Commission, organe non-démocratique s’il en est. La nature des négociations du TTIP reste donc obscure et exclut généralement les parlementaires, même si le mot final sur le texte reviendra au Parlement européen.
Les citoyens quant à eux sont évidemment ignorés. En revanche, les lobbyistes sont très présents dans les négociations à Bruxelles et à Washington.
Aux USA les méthodes de négociation sont les mêmes ?
YG : Oui quasiment et c’est d’autant plus préoccupant. Aux USA, en ce qui concerne le TPP (accord Pacifique) une procédure de « Fast Track » a récemment accordé les pleins pouvoirs de négociation au Président des USA. Là aussi les parlementaires du Congrès sont tenus à distance des négociations et ne pourront voter que sur un texte bloqué.
Mais au final des emplois pourront être créés…
YG : La possibilité de création d’emplois est avérée. Même si la quantification et la qualité des emplois créés reste difficile à évaluer.
Y a t-il des risques pour les citoyens européens ?
YG : Les enjeux cachés du TTIP sont inquiétants pour les Européens. Je vois deux risques majeurs.
D’une part les conséquences de ce Traité sur la santé et l’environnement. Le niveau des normes (traçabilité des produits, OGM, qualité…) reste inconnu et à ce jour, aucune garantie n’est apportée sur ce sujet.
D’autre part, on ne sait pas où on va s’agissant du contrôle des données personnelles (Big Data). C’est inquiétant. Car un des points clé de la négociation commerciale est la captation via Internet des consommateurs de cette nouvelle zone commerciale, en disposant de leurs données personnelles.
L’exception culturelle sera-t-elle maintenue ?
YG : Il est naïf de croire que les gages sur l’exception culturelle donnés par la Commission, un des négociateurs du TTIP, protégeront le marché culturel européen. C’est une annonce qui permet de rassurer et d’endormir à bon compte nos concitoyens, notamment en France.
Dans les faits, les majors d’Hollywood ne viendront jamais concurrencer l’audio-visuel et la culture subventionnée (théâtre, opéra, livre, cinéma, musique…) sur le terrain en Europe. Les investissements sont lourds et les gains hasardeux.
Par contre l’accord permettrait de capter les consommateurs européens via Internet qui devient le principal vecteur de consommation des produits culturels.
A terme, les consommateurs achèteraient des produits culturels sur des sites Internet américains, sous législation américaine dont les profits iraient dans les poches des entreprises américaines.
Qu’est-il prévu pour régler les conflits commerciaux ?
YG : C’est la plus grosse inquiétude. Un tribunal mixte (ISDS) arbitrera les conflits entre Etats et groupes mondiaux. Mais sa composition, telle qu’elle est connue aujourd’hui, permettra d’accorder plus de pouvoir aux multinationales face aux États.
Le dispositif fait donc craindre un effacement de la puissance publique, défenseur de l’intérêt général face aux compagnies privées. Ce mécanisme de règlement des différends a notamment été utilisé par l’industrie du tabac pour contrecarrer l’adoption de lois contre le tabagisme édictées par un Etat.
Quelle est votre position sur le TTIP ?
YG : Le Parti Fédéraliste Européen est évidemment contre l’adoption de ce traité. Nous demandons une révision totale du TTIP. Les vrais enjeux doivent être clairement exposés à nos concitoyens et nous demandons plus de transparence dans les négociations.
Nous déplorerons aussi le double langage des partis politiques institutionnels. Si certains ont des positions cohérentes, en revanche le PS, Les Républicains et les partis du centre avancent masqués. Favorables au TTIP au parlement européen, ces partis ont des réponses très évasives au niveau national et cherchent avant tout à noyer le poisson.